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ISSN 2195-3171

Predigtreihe: Johannes Calvin, 2009

Prédication sur Romains 12 ; 3-5 , verfasst von Félix Moser

Tout commence par ce petit regard oblique que l'on jette sur son voisin, assis à gauche ou à droite ! Ce petit regard de coin,  jeté à autrui pour s'auto-évaluer, pour se rassurer, pour savoir  si je vaux plus ou moins que lui.

Tout se poursuit par ce regard satisfait ou au contraire envieux ; ce regard qui nous gonfle outrageusement ou, au contraire, ce regard qui dégonfle si rapidement notre  ego, que parfois nous avons l'impression de ne plus rien valoir.

Tout commence et tout continue par cet esprit de compétition érigé en système dans la société dans laquelle nous vivons. Vous le savez, il vaut mieux savoir se présenter sous son meilleur jour, avec ses atouts et ses motivations les plus inébranlables.

Je m'empresse d'ajouter que la comparaison avec les autres n'est pas forcément et par principe une mauvaise chose. Il existe en effet une bonne et saine compétition, dans le domaine sportif ou dans celui de la recherche scientifique par exemple. De plus, le regard porté sur nous joue un rôle important : les psychologues l'ont, à juste titre, désigné comme un élément indispensable à la construction de notre personnalité.

Mais le problème arrive quand la comparaison devient manie et  nous rend malheureux. Ceux et celles qui nous entourent (famille, collègues et connaissances) deviennent alors pour nous  comme des miroirs déformants de nous-mêmes. La tendance à une comparaison excessive peut nous amener à nous surestimer, nous faisant croire que nous valons plus que ce que nous sommes, ou à l'inverse cette tendance à la comparaison nous fait croire que nous ne valons rien, que nous sommes nuls par rapport aux autres.

 

C'est dans cet environnement culturel  que nous avons entendu l'invitation suivante de l'apôtre :

Au nom de la grâce qui m'a été donnée,  je dis à chacun d'entre vous : n'ayez pas de prétentions au-delà de ce qui est raisonnable, soyez assez raisonnables pour n'être point prétentieux, chacun selon la mesure de foi que Dieu lui a donnée en partage. (Rom 12 v 3).

 

Lorsque je prends le temps d'écouter ces versets ainsi que les sentiments contradictoires qui sommeillent (et parfois aussi bouillonnent en moi), force est de constater que  le renoncement à avoir des prétentions au-delà du raisonnable n'est pas si facile à vivre !

N'ai-je pas le droit ? Dans une société où la modestie devient presque un défaut, n'ai-je pas le droit moi aussi de me mettre en valeur ?

Les occasions où j'ai renoncé à faire entendre ma voix pour dire ma pensée ou  pour présenter un projet, les moments où j'ai tu ce que j'avais fait ou écrit sur un sujet d'actualité, le refus par mes collègues d'entendre une de mes remarques pertinentes dont la justesse a été ensuite vérifiée dans les faits...  Bref les fois où j'ai ravalé mes prétentions n'ont pas laissé en moi des traces positives. Il y a donc bien une distance entre les passions qui m'habitent et ce que Saint-Paul appelle « marcher selon l'Esprit », c'est-à-dire vivre, entre autres, des exhortations entendues ce matin.

Comment alors comprendre de façon juste cet appel à être avoir une prétention  raisonnable ?

 

Alors que partout dans le monde, et avec faste, on se prépare à fêter le 500ème anniversaire de la naissance de Jean Calvin, je me suis demandé comment le réformateur de Genève avait commenter ce passage sur l'appel à ne pas être prétentieux.

Le commentaire de l'épître aux Romains écrit par Calvin est souvent original. Le réformateur commence par définir ce qu'est la « prétention » : il traduit carrément ce terme par le mot « orgueil ». L'orgueil, nous dit-il, est d'abord un défaut de connaissance de soi-même. Est orgueilleux celui qui se connaît mal et qui ne voit plus ses propres limites. Calvin se trouve ainsi en bonne compagnie, puisque, comme  De la Fontaine, il développe une idée très voisine de la fable de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Calvin décrit aussi la prétention comme une tentative illusoire de vouloir être ce que nous ne pouvons pas être. Il n'est pas étonnant alors que pour lui  l'orgueil rend malheureux. Ce défaut est selon lui, je lui donne la parole  « un désir de nous enquérir des choses qui ne peuvent apporter que tourments à nos esprits [...] » ; en même temps, Calvin nous exhorte à penser et à méditer seulement « les choses qui pourront nous rendre humbles et modestes »[1].

L'originalité de Calvin est de montrer que notre désir de comparaison doit être éduqué, guéri, remis à sa juste place. Il s'agit de se connaître et d'apprendre à cultiver les dons que Dieu nous a donnés..

 

Mais comment ce nouveau regard sur ce que nous sommes et valons est-il possible. ?

Le passage d'aujourd'hui prescrit deux remèdes pour nous guérir de la comparaison dans ce qu'elle peut  avoir de maladif .

 

Le premier remède nous exhorte à nous en remettre entièrement à l'amour de Dieu et à Sa miséricorde, qui est un amour rempli de pardon. L'humilité en fait se conjugue toujours avec l'amour de Dieu qui nous permet d'être charitables avec nous-mêmes, de vivre amicalement avec nous-mêmes et avec les autres. Pour le dire avec saint-Paul, nous sommes invités à vivre «  selon la mesure de foi que Dieu vous a donnée en partage ».

Le sujet de la transformation qui peut s'opérer chez les être humains, c'est bien Dieu. Ce n'est pas à force de volonté que nous arriverons à porter un autre regard sur nous-mêmes, mais par la prise de conscience que nous sommes acceptés  tels que nous sommes par Dieu. Sous le regard de Dieu, chacun et chacune peut opérer le travail de trouver sa juste place. Nous pouvons être délivrés de la comparaison en prenant conscience que nous sommes chacun et chacune un prototype, un  exemplaire unique à nul autre pareil. Alors le chemin de l'humilité devient possible.

Pour le dire encore autrement, Dieu nous aide tous les jours à nous accepter tel que nous sommes, avec notre physique, notre éducation, notre parcours de vie, avec nos joies mais aussi nos blessures.

Nous ne sommes pas invités à une tâche impossible. Paul ne nous demande pas, par exemple, de refaire ce que le Christ a fait pour nous, ce serait prétentieux et orgueilleux de notre part ; par contre, Paul nous invite à nous mettre dans le sillage du Christ pour vivre dans l'amour pour autrui en sachant ce que nous sommes.

 

Le deuxième remède proposé par Paul se condense dans l'appel concernant le « renouvellement de l'intelligence ». C'est une autre manière de dire que nous avons besoin de l'aide de Dieu, plus précisément de son Esprit, pour être raisonnables, c'est-à-dire pour vivre pleinement de ce que nous avons reçu de Dieu. Calvin, dans une prière, formule bien ce renouvellement de l'intelligence tel que nous pouvons le demander à Dieu. Il dit ceci : Seigneur,  toi qui es la fontaine de toute sagesse et de toute science [....] veuille illuminer mon entendement. Pour ce faire, veuille épandre sur moi ton Saint-Esprit »[2] et dans une autre prière il ajoute dans son français à lui : « Seigneur que je garde la souvenance de ta bonté et de ta grâce. Qu'elle demeure toujours imprimée en ma mémoire et que par ce moyen  ma conscience au aussi bien son repos spirituel prenne son repos  comme le corps prend le sien »[3].

 

Grâce à ces deux remèdes, nous pouvons trouver notre chemin et éviter le piège de l'orgueil et du bluff qui finit toujours par être démasqué. Ce que l'on dit moins et que l'on entend souvent pas dans cette invitation à être prétentieux « dans le cadre de ce qui est raisonnable », c'est une exhortation contre le dénigrement de soi-même.  Nous pouvons dès lors bien comprendre ce qu'apportent ces versets de Paul : il en va de prendre sa place, toute sa place, mais rien que sa place.

Vivre selon la bonne mesure de foi ce n'est pas être hautain, c'est-à-dire vivre en ayant une trop bonne opinion de soi-même ;  mais ce n'est pas non plus vivre dans la bassesse, c'est-à-dire en se considérant comme trop bas. Vivre selon la bonne mesure de foi, c'est se mettre à la bonne hauteur ou pour le dire dans le terme du commentaire de Calvin « apprendre (et c'est un apprentissage qui dure toute notre vie) à « être sage avec sobriété »[4]

 

La Bonne nouvelle de ce matin nous  délivre de tout vouloir par nous-mêmes ; elle ouvre sur la conscience que nous formons tous et toutes un corps dont chaque membre est unique et indispensable, et dont chaque membre reconnaît que sans les autres il ne peut rien  « En effet, comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que ces membres n'ont pas la même fonction, ainsi à plusieurs  nous sommes un seul corps en Christ » (Rom 12, 4).

                Amen

 

 



[1] Jean CALVIN , Commentaires sur le Nouveau testament tome quatrième  l'épitre aux Romains ;Genève, Labor et Fides,1960,  p. 289-290.

[2]  Olivier Fatio, Confessions et catéchismes de la foi réformée, Genève, Labor et Fides, coll. Publications de la Faculté de théologie de l'Université de Genève no 11, 1986. Jean CALVIN  « Oraisons pour dire devant qu'étudier à l'école p. 107-108.

[3]  Olivier FATIO Op.cit  Jean CALVIN« Oraison pour dire devant que dormir » p. 110.

[4]  Jean CALVIN  Commentaire de l'épître aux Romains Op.cit..290  



Prof.Dr. Félix Moser
Neuchâtel

E-Mail: felix.moser@unine.ch

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